L'Iguanodon d'Auxerre

 

 

 

En 1967, un camion aurait percuté un feu tricolore au croisement du boulevard Gallieni et de l’Avenue Joffre. Suite à cet évènement, lors de travaux de voirie pour remettre en état la chaussée, de grands ossements vont être mis au jour. Une petite campagne de fouille se met alors en place, elle est dirigée par M. François Poplin du MNHN.
Ajoutés aux premiers ossements trouvés dans la chaussée, ce chantier va permettre de mettre au jour un fragment de scapula (omoplate), des vertèbres ainsi que des morceaux de côtes. Leur étude a permis de mettre en évidence qu’il s’agit d’un iguanodon qui vivait dans la région au Barrémien, il y a 130Ma. Cependant les vestiges étant très incomplets, aucune espèce ne lui sera attribuée.

 

« D’autres restes auraient été aperçus sur le terrain qui n’ont pas été retrouvés dans la suite. Une fervente prière est adressée aux personnes qui les détiendraient de bien vouloir apporter leur contribution au jeu de patience scientifique qui a déjà commencé. » F. Poplin, séance de la SSHNY du 9 avril 1967.

 

Les iguanodons sont des dinosaures herbivores qui ont vécu au Crétacé inférieur, entre 145 et 110 Ma.

Yonne Républicaine, 30 juin 1967

© Bibliothèque municipale Jacques-Lacarrière d’Auxerre.

 

    D'après Gand et al., 2012 (selon Bertrand & Moret).                                              

 

145 Ma c’est la limite entre le Jurassique et le Crétacé. Il s’agit d’une période où la mer se retire et de grands espaces émergent. Ainsi, une grande partie de la Bourgogne est émergée sauf le nord de l’Yonne. Ce changement paléoenvironnemental, désastreux pour les espèces marines, est au contraire favorable à l’expansion des reptiles terrestres tels que les dinosaures qui vont vivre sur les bordures marécageuses du bassin Wealdien. Si la campagne de l’époque permettait aux dinosaures de gambader, ces milieux continentaux ne sont pas propices à la conservation de leurs ossements. Ceux qui nous parviennent sont ceux d’individus dont le corps a été emporté en mer pour permettre la sédimentation. Ce qui est justement le cas dans notre région vers 130 Ma, on se trouve sur une alternance de transgressions et régressions marines de l’Océan alpin. Toutefois, ces squelettes qui se déposent en mer peu profonde peuvent être soumis à des mers agitées pouvant entrainer leurs dislocations, probablement à l’origine de nos découvertes incomplètes.

© Ian Webster d’après C.R. Scotese.

 

Depuis 2002, la totalité des restes découverts ont été déposés au Muséum d’Auxerre, après un passage pour certains d’entre eux au laboratoire de paléontologie du MNHN.

 

Les ossements ne sont revus par un paléontologue qu’en 2008. C’est Fabien Knoll du Muséum de Madrid qui va les examiner. Malgré des déterminations ostéologiques plus précises, il ne s’avancera pas plus sur la détermination à l’espèce de ces os. Pour lui, ils appartiennent à un seul individu, un grand iguanodon proche par la taille et la morphologie des espèces Iguanodon bernissartensis et Iguanodon atherfieldensis, des espèces déjà signalées dans le Barrémien supérieur français.

 

Iguanodon bernissartensis

Mantellisaurus atherfieldensis

 

À cette même période, le paléontologue américain Grégory Paul en 2007 retire Iguanodon atherfieldensis du genre Iguanodon. Il devient désormais Mantellisaurus atherfieldensis. Mantellisaurus est plus petit et plus gracile que I. bernissartensis. Ses bras étaient proportionnellement plus courts que ceux de I. bernissartensis. Chez Mantellisaurus, les bras ne représentent qu'environ la moitié de la longueur des membres postérieurs contre 70% pour ceux de I. bernissartensis. Cette morphologie a conduit Paul à considérer Mantellisaurus comme presque exclusivement bipède avec une position à quatre pattes que lorsqu'il était immobile ou se déplaçait lentement.

 

Ces nouvelles connaissances acquises il y a seulement 15 ans viennent confirmer que l'évolution des connaissances sur le monde fossile est en perpétuel mouvement et rien ne nous dit que nos ossements retrouvés à Auxerre ne serviront pas de nouveaux, dans les siècles à venir, pour en apprendre plus sur ce dinosaure. Cela met en lumière l'intérêt de conserver et cataloguer ces restes au sein d'un Muséum.